Corréjac
Lieu de départ de l’épidémie de peste en 1720
Corréjac, hameau voisin d’Auxillac, est célèbre d’une bien triste manière. C’est ici que l’épidémie de peste ayant frappé le Gévaudan de 1720 à 1722 a commencé. Le 23 novembre 1720, le journalier Jean Quintin part à la foire de la Saint-Clément à Saint-Laurent d’Olt. Peu de temps après, il est pris de fièvre et ressent une immense fatigue. Il parvient alors tant bien que mal à rentrer chez lui à Corréjac et meurt le lendemain. Toute la famille Quintin est décimée dans les jours qui suivent. Le fils de la femme Quintin, née d’un premier mariage, emprunte le manteau de son beau-frère vivant à La Canourgue pour aller enterrer sa mère. Il lui rend le jour d’après. Les familles des deux malheureux décèdent elles aussi quelques jours après, à Cadoule et à La Canourgue, et l’épidémie de peste est désormais en train de se propager dans le Gévaudan. L’hiver laisse ensuite présager une accalmie. Mais hélas, au retour des beaux jours l’épidémie réapparait et se fait de plus en plus virulente, inquiétant les autorités locales. Des médecins de la cours sont envoyés en Gévaudan et leur verdict est formel : il s’agit bien là d’une « fièvre pestilentielle ».
Un mal qui se répand en Gévaudan
Malgré les tentatives de contrer l’épidémie, le mal se répend bientôt par-delà le secteur de La Canourgue et Corréjac et atteint d’autres lieux dont les villes de Marvejols et de Mende. La situation semble hors de contrôle et la peur de la contagion et de la mort omniprésente. On met en place un blocus empêchant la circulation de biens et d’hommes entre le Gévaudan et les provinces limitrophes. Des restrictions de mouvements sont imposées aux habitants. A Corréjac, la cinquantaine d’habitants ayant survécu est forcée par les autorités d’aller vivre sur des huttes aménagées sur la montagne toute proche, mais les conditions d’habitation précaires poussent les malheureux à revenir au hameau. Quand les autorités l’apprennent elles donnent l’ordre de brûler les maisons du village, ce qui est fait le 1er juillet 1721. Ainsi, celles marquées d’une plaque explicative présentant le dessin ci-contre sont des témoins de cette triste histoire. Ce dessin représente un médecin en costume lui servant à se protéger de l’épidémie. Il est composé d’une tunique longue enserrant la tête dans une cagoule et d’un long masque en forme de bec rempli d’herbes aromatiques censé purifier l’air putride.
Il faut savoir que le Gévaudan est à l’époque une province très pauvre, où l’industrie lainière et le commerce d’étoffes sont très importants. Le tissage n’est pas effectué comme dans certaines régions à l’échelle industrielle mais par chaque famille durant les rudes hivers. Le cheptel de moutons n’étant souvent pas assez important, on faisait importer de la laine de l’étranger, notamment de l’Espagne et de Smyrne, en actuelle Turquie. On pense que c’est cette dernière que le pauvre Jean Quintin aurait ramenée à Corréjac et qui aurait contaminé le Gévaudan. On sait maintenant que la peste se propage par les puces de rats infectées, et ces derniers affectionnent particulièrement les étoles et les tissus. Le fait que ce commerce soit une grande source de revenu pour le Gévaudan entraine alors deux effets pervers : d’une part la propagation de la maladie est facilitée, et d’autre part lorsque l’épidémie est déclarée le commerce est interrompu, affaiblissant l’économie du Gévaudan, région déjà réputée extrêmement miséreuse.
Finalement le fléau s’éteindra en partie grâce à l’adaptation de la population qui devient plus résistante au bacille après une longue exposition, mais aussi, aux mesures du zélé La Devèze envoyé de la cours. Selon l’historien Louvreleul, le mal aurait fait 5678 décès dans le Gévaudan, dont 945 sur 1633 habitants à La Canourgue et 1800 sur 2746 à Marvejols.